Dans un système en crise, on n’améliore pas, on réagit.

Le novice ne peut pas apprendre à barrer si la voile est en feu et qu’il y a un homme à la mer. Quelqu’un lui reprend la barre des mains en criant “la bouée ! à l’avant !”, puis on vire de bord, on affale la voile, pendant qu’une autre personne sort un extincteur. Une fois au port il fait le bilan de sa sortie : beaucoup d’action, d’émotions fortes, mais d’apprentissage, point. S’il est perspicace, il songe à changer d’école de voile. ⛵️

Dans un projet en crise, on observe du travail tard le soir, des discussions houleuses, des mouvements de personnes, mais de l’apprentissage, point. Il est pas loin de 9 heures, le chef de projet répond aux questions du novice tout en mastiquant un bout de pizza froide. “Ce qu’on fait dans ces cas là ? Eh bien on débuggue jusqu’à pas d’heures, on maquille un peu le planning, on échange un jalon infaisable contre un autre jalon un peu moins infaisable… Et voilà, c’est le métier qui rentre !” 🍕

S’il est perspicace, le novice réalise que le “métier” n’est pas près de rentrer ici, vu qu’ici c’est la maison des portes qui claquent, et non la maison où apprendre à développer.

Dans la mesure où il compte uniquement sur son temps personnel pour acquérir de nouvelles compétences, il réalise son besoin de préserver ce temps contre les crises du boulot, contre les heures passées en douce à corriger le code de la boite ou à ressasser le dernier drame avec le PO. Dans son cœur il remplace peu à peu l’enthousiasme et l’engagement par le détachement. Il se dit que la technologie ne fait pas tout, et qu’à ses prochains entretiens, il posera plus de questions, des questions nouvelles.

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De retour sur le marché du travail, où s’organisent les Championnats du Monde du Code Propre et de l’Architecture Hexagonale, où on pressurise des candidat·es Full Stack avec des questions DevSecOps, il entre à nouveau en compétition avec des centaines de têtes bien pleines — et parfois bien faites — proposant leurs services et leurs compétences aiguisées par les heures passées à apprendre, à pratiquer, à échanger.

Il a lu “The Software Craftsman”, “Clean Craftsmanship”, “Software Craft”, “The Pragmatic Programmer” ou “Software Craftsmanship”, et il se demande :

Si mon métier doit être un artisanat, où se fera le compagnonnage, sinon dans l’entreprise ?

Avec un peu de chance, et en posant les bonnes questions, il finira par trouver un système relativement stable dans lequel on peut améliorer en continu.

  • Est-ce que le standard de l’équipe a évolué récemment ?
  • Pouvez-vous me dire comment cela s’est produit ?
  • Est-ce que vous documentez votre standard ?
  • Est-ce que je peux en avoir un aperçu ?

Ces questions vont lui fermer les portes des entreprises où l’on n’apprend pas, et lui ouvrir celles des entreprises où on apprend en équipe.

Souhaitons lui bonne chance et bon courage ! 🏞

publié sur Linked In le 12/05/2023