La scène se passe au restaurant de l’entreprise où je suis en mission. La conversation avec mes coéquipiers porte sur le prix du mètre carré, et sur l’épargne. Je m’apprête à donner mon opinion, mais je me rappelle que je viens juste de contracter un prêt afin de combler un découvert, et je me ravise.

Finalement, j’avoue :

— Oh moi, je n’arrive pas à économiser. Je sais que je pourrais, mais c’est plus fort que moi.

Dominique, contrôleur de gestion de son état, et notre maître d’ouvrage, répond :

— ça peut être assez facile, quand tu as un plan.
— des plans j’en ai fait, mais on dirait qu’ils échouent l’un après l’autre.
— hmm.

Avec l’immaturité qui me caractérisait vers 1989, je lance :

— en fait je serais même prêt à payer quelqu’un qui m’aiderait à économiser !
— pffft, inutile, c’est plus simple que ça.
— pour toi, peut être…
— il suffit d’observer ce que tu fais.
— là en m’observant, tu vois comment je pourrais faire des économies ?
— oui.
— tu vois quoi exactement ?
— je regarde ton plateau : tu as choisi le dessert plus cher.

Si la métaphore de la dette est si répandue, c’est peut être parce qu’elle nous parle de toutes ces situations inconfortables dans lesquelles nous avons conscience de ce qu’il faudrait faire tout en décidant de ne pas le faire.

Pour économiser et dépenser moins, il m’a fallu m’observer, me discipliner, me priver, remettre à plus tard des gratifications, et croire en ma stratégie sur le long terme.

Peut-on rapprocher endettement personnel et dette technique ? Oui et non.

Non, car ici il n’est pas question de discipline personnelle, de privation, ni de gratification.

Oui, car il s’agit bien de cohérence, d’observation, et de stratégie.

Activée de manière cohérente c’est à dire provisoirement, la dette technique est un levier tactique qui permet d’acheter du temps. Mais toute personne ayant travaillé à la maintenance d’un logiciel sait bien que dans l’entreprise on aime le provisoire qui dure.

Or nous n’arrivons pas le matin au travail en proposant : “Vous savez quoi ? Aujourd’hui nous allons augmenter la DT de 25%. Ça va améliorer nos résultats.”

Le sujet n’est pas la dette technique mais notre état de l’art. Ce guide imparfait et incertain est toujours ouvert aux améliorations. Il est donc, par nature, en discussion continuelle. La pression et les tentations pour le modifier sont constantes.

Chaque conversation sur l’état de l’art pourrait commencer par une hypothèse : Si ça se trouve…

‥on pourrait se passer de revues de code…

‥ce Proof of Concept peut tourner en production…

‥le Métier va ajouter du budget supplémentaire d’ici Juin…

‥on aura réellement besoin de ce socle technique par la suite…

‥tu pourrais coder la story sans les TU et elle marcherait aussi bien…

‥on a le meilleur modèle possible, et le peaufiner encore serait une perte de temps…

‥vous pouvez vous auto-former à TDD (J., qui devait vous former, a quitté l’entreprise)…

Stay Tuned !

publié sur Linked In le 17/02/2023