— Le projet a déroulé 4 sprints déjà, et ton n’équipe n’a pas gagné en vélocité. Qu’est-ce qui explique cela ?
— J’ai des bras-cassés.
— Intéressant… Ils sont tous arrivés ici, dans la boite d’abord, puis au 5ème étage, puis chez toi… 🙄
— Non, bien sûr. Mais tu vois ce que je veux dire…

Reporter la suite de cette conversation n’aurait pas d’intérêt : sa valeur d’apprentissage vient subitement de tomber à zéro. Le Scrum Master qui parle ici de son équipe s’en remet à la sacro-sainte logique du mérite et de la compétence individuels : les autres ont des bons, il a des mauvais. Tout est dit.

La posture du blâme — moi je suis OK, c’est l’autre qui n’est pas OK — est notre tactique la plus courante lorsque notre besoin de sécurité émotionnelle n’est pas rempli. C’est un remède universel : on le trouve partout, à l’école, à la maison, en politique (où il fait rage), dans la presse, les media, et bien sûr au travail.

Au travail, la palette du blâme se décline en différentes nuances et degrés de toxicité. De l’Erreur Fondamentale d’Attribution jusqu’à la tyrannie de la mauvaise foi, dans chaque situation on retrouve un invariant : là où règne le blâme, on accorde peu d’importance au standard, à la transmission, à l’amélioration continue.

Dans beaucoup d’entreprises où l’on saura vous dire qui sont les “bons” et les “mauvais”, on ne pourra pas ne serait-ce que vous guider vers une trace écrite qui indiquerait l’existence d’un standard.

Il y a quelques jours, par pur besoin de perdre mon temps, je regardais sur youtube des vidéos de vacanciers plantant leurs hors-bord hors de prix sur le bras de mer Haulover près de Miami Beach. Après une bonne heure de visionnage, 2 phénomènes m’ont frappé par leur régularité :

  • le bateau arrête net sa progression la 2ème fois qu’une vague prend l’avant de plein fouet

  • jamais aucun des passagers sur le bateau ne porte de gilet de sauvetage

Pour résumer : les navigateurs qui ont des difficultés dans ce passage (particulièrement difficile) en ont également avec le respect d’un standard sur le bateau. On peut en déduire qu’ils n’ont pas été suffisamment formés à la navigation : elle n’est pas leur métier, et probablement même pas leur hobby. Ici l’amélioration n’est pas continue, elle est occasionnelle (et le prix à payer exhorbitant).

🛥🌊🚤

Revenons sur la terre ferme : cette équipe de développement, dont la vélocité ne “décolle” pas, elle a un cadre, qui devrait lui permettre de naviguer sans danger dans les bras dangereux du projet, mais aussi de sécuriser sa productivité : un standard. Un ensemble de dispositions, de règles, sur lequel elle débriefe régulièrement, afin d’améliorer en continu.

Ce standard, ce serait à la fois un support et un matériau de premier choix pour notre Scrum Master. Ça lui permettrait aussi de quitter sa posture de blâme. 🗺

publié sur Linked In le 30/05/2023