Merci @JohanMartinsson pour ta contribution à cette conversation sur le mythe de la “Software Factory”. Tu vois 2 facteurs importants de ténacité de ce mythe :

🎤 1. Le confort d’imaginer que l’on peut rester dans la zone de compétence (dev) plus ou moins entièrement. Ca peut être assez plaisant d’imaginer que l’on va juste réaliser les idées des autres

🎤 2. C’est une façon à peu près efficace de vendre du service. La vente étant visible, on va donc percevoir ceci plus, sur les réseaux, que ce qui est réellement le cas sur le terrain.

Je pense que l’industrie du service joue un rôle important dans la persistence du mythe de la Software Factory. On pourrait même dire qu’elle l’entretient activement. Le renouvellement fréquent du vocabulaire et des compétences techniques, guidé par les radars technologiques des sociétés de conseil, crée l’illusion d’un monde en progrès, dans lequel chacun des trois acteurs joue pleinement son rôle au sein d’une relation “win/win/win” :

  • l’acteur Métier aiguillonne l’entreprise afin qu’elle s’adapte ou change son marché : elle doit penser “produit”, parfois en se réinventant. (Voilà au moins une décennie que cette stratégie, nommée “transformation” est devenue la feuille de route officielle de la plupart des entreprises).

  • l’acteur Technique vient remplir son rôle de généraliste multi-spécialiste, il aiguise ses outils, ses patterns, ses frameworks au service du produit. Pur acteur du “comment”, il se cantonne au technique (qui est immense). Même ses procédés les plus proches du “fonctionnel” : DDD, BDD, Tests, restent éminemment techniques.

  • le Management pérennise et rationnalise ce circuit entre le Métier et la Technique, en posant des gardes-fous : suivi des performances, gestion des contingences, industrialisation. C’est une tâche difficile, le calendrier du Métier et l’agenda des technologies se disputant la priorité. De son côté l’industrie du service répond à cette difficulté en s’adaptant aux contraintes de l’entreprise. Toutes deux codifient ensemble l’offre, ce qui a pour effet de fluidifier le marché d’une part, et de renforcer les silos d’autre part.

“C’est la compréhension des développeurs qui va en production.” Si cette suggestion de Brandolini a une grande valeur, elle reste néanmoins incompatible avec le modèle de la Software Factory, qui met en avant l’efficacité individuelle à produire du code, comme une activité d’étape au sein d’un processus séquentiel descendant de l’idéation “sur le papier” vers l’implémentation “mains dans le cambouis”.

Optimiser la production de code, notre industrie s’y occuppe à plein temps, et les résultats sont fulgurants, avec ou sans LLM. C’est fascinant, mais ce n’est pas tout à fait le sujet de l’entreprise. Celle-ci a besoin à la fois d’innover et de maintenir. Sa Software Factory l’aide à construire plus vite, mais elle construit sur du sable. 🏖

publié sur LinkedIn le 24/04/2023